mercredi 30 octobre 2013

Suite de la conférence d'Alain CHARLET

L'art est rencontre avec les autres

L'art n'est seulement un moyen d'expression, il est fait aussi pour communiquer avec les autres , les "spectateurs" et cela d'une manière souvent imprévisible.

Le peintre SOULAGES exprime bien ce lien étrange entre l'artiste et celui qui reçoit l'oeuvre :

"Je peux évoquer cette statue mésopotamienne qui m'a un jour profondément touché.
Pourquoi ce granit noir m'a t'il  ébranlé au tréfonds de moi ? je suis étranger à l' homme qui l'a sculpté, étranger à ses mythes , étranger encore à ses idées et à sa religion . Alors que se passe -t-il ? "

On ne peut guère répondre à cette question de SOULAGES sauf en constatant que, oui vraiment l'art crée des liens entre les hommes au-delà de ce qui est prévisible , et au-delà des frontières et des siècles, bel exemple de la part de l'universel dans chaque homme.

Peut- être la musique, qui est à la fois rigueur et émotion, création personnelle mais interprétation collective, parfaitement abstraite mais tellement évocatrice, est-elle l'art qui illustre le mieux ce rapport entre le créateur et un public sans frontières.

 L'art est participation au mystère de la création.

                                                                     Dans le Monde des religions de Mars-Avril 2009,                                                                              Abdennour  BIDAR nous rappelle que pour les                                                                                    musulmans, la création participe à la beauté de Dieu                                                                        et que chaque être humain chaque chose en exprime                                                                        un éclat, un fragment, fragment d'une beauté suprême ,                                                                      d'une transcendance absolue.

Encore faut -il que nous soyons attentifs à cette beauté de la nature, des visages et des objets qui nous permettent de voir Dieu d'un regard neuf, à chaque instant de notre vie .  Et justement l'art aiguise notre regard car il nous fait faire l'apprentissage d'une vision qui va au-delà des apparences, qui nous fait reconnaître comme étonnamment belles des choses aussi simples qu'un morceau de bois décapé par la mer ou un galet strié de veinules- une vision toujours en alerte car la beauté est fugace: chaque instant compte , une fleur n'est pas la même le soir et le matin, au soleil ou dans l'ombre ..


prochainement , la suite et fin de la conférence sur  :
L'art est une fenêtre ouverte sur le mystère

mercredi 23 octobre 2013

Suite de la conférence d'Alain CHARLET

Pas d'authenticité sans liberté.

L'artiste ne doit être entravé par aucune règle, mais cette vérité si évidente a été l'objet d'un long combat pour la liberté contre les académismes, contre les conventions, contre le pouvoir des commanditaires ou des marchands ...combats jamais gagné d'ailleurs.

Combat aussi dans le monde même des artistes,
 entre la figuration et l'abstraction,
 entre le dépouillement et le lyrisme,
 entre le dessin et la couleur pure...

C'est cette liberté, chèrement conquise , qui a permis de révéler l'extraordinaire créativité de l'homme quand on ne lui impose aucune règle, pour le meilleur et pour le pire d'ailleurs.

En ce sens l'art abstrait est un tournant majeur, une véritable révolution: de la représentation de la nature magnifiée ou volontairement déformée (chez Picasso par exemple)  ou de l'art purement décoratif, on passe à une conception ou c'est le spectateur lui même qui doit faire le travail d'interprétation, de réception, pour faire vivre l'oeuvre  en lui, comme cela était dans le cas pour la musique.

C'est la raison pour laquelle les tenants de cet art  (Kim En Joong par exemple)  ne veulent plus parler de leurs œuvres, la décrire, de peur d’orienter notre perception. Ils se contentent de parler de leur technique, des conditions de leur création mais ne veulent surtout pas imposer une vision.

L'art numérique semble ouvrir encore un nouveau champ, un nouvel espace où tout ou presque tout reste à inventer . 

Prochainement la suite de cette conférence sur
"l' art est rencontre avec les autres 

mercredi 16 octobre 2013

Suite de la Conférence d'Alain CHARLET

Pas d'authenticité sans liberté.

L'artiste ne doit être entravé par aucune règle, mais cette vérité si évidente a été l'objet d'un long combat pour la liberté contre les académismes, contre les conventions, contre le pouvoir des commanditaires ou des marchands ...combats jamais gagné d'ailleurs.

Combat aussi dans le monde même des artistes,
 entre la figuration et l'abstraction,
 entre le dépouillement et le lyrisme,
 entre le dessin et la couleur pure...

C'est cette liberté, chèrement conquise , qui a permis de révéler l'extraordinaire créativité de l'homme quand on ne lui impose aucune règle, pour le meilleur et pour le pire d'ailleurs.

En ce sens l'art abstrait est un tournant majeur, une véritable révolution: de la représentation de la nature magnifiée ou volontairement déformée (chez Picasso par exemple)  ou de l'art purement décoratif, on passe à une conception ou c'est le spectateur lui même qui doit faire le travail d'interprétation, de réception, pour faire vivre l'oeuvre  en lui, comme cela était dans le cas pour la musique.

C'est la raison pour laquelle les tenants de cet art  (Kim En Joong par exemple)  ne veulent plus parler de leurs œuvres, la décrire, de peur d’orienter notre perception. Ils se contentent de parler de leur technique, des conditions de leur création mais ne veulent surtout pas imposer une vision.

L'art numérique semble ouvrir encore un nouveau champ, un nouvel espace où tout ou presque tout reste à inventer . 

Prochainement la suite de cette conférence sur 
"l' art est rencontre avec les autres 

vendredi 11 octobre 2013

suite de la conférence d'Alain CHARLET

L'art est recherche d'authenticité.


Charles JULIET a très bien exprimé cela dans l'un de ses journaux:

"les œuvres sont de trois sortes:
Les œuvres du beaucoup
Les œuvres du joli, de l'agréable, du plaisant techniquement parfaites et qui relèvent de l'artisanat d'art
Les œuvres du vrai qui sont aussi celles du beau"

Et il ajoute:" l'artiste en quête de vérité ne se soucie pas de beauté. Et puisqu'il n'en a cure, il la trouve et la libère car elle n'est autre que cette lumière qui émane du vrai."

N'y a- t -il  pas dans ces textes, une certaine analogie avec la parabole de la semence qui tombe sur différents terrains mais ne devient vraiment productive que si elle pénètre profondément dans la terre, comme la parole dans le cœur de l'homme? 

Quand on progresse dans cette voie du vrai, quand l' oeuvre devient plus profonde, elle devient plus simple, plus dense, plus classique, plus belle.
En écrivant cela , je pense à Fra Angelico qui nous touche parce qu'avant de peindre les choses du Christ, il vit avec le Christ 
 .Son art devient alors un témoignage qui parvient à la beauté par le talent, bien sur, mais aussi et surtout par l’authenticité, l'humilité et la simplicité. Si l'on compare son annonciation avec la cène de Léonard de Vinci on est effectivement frappé par la simplicité centrée sur l'essentiel
( la vierge et l'ange ) en opposition avec la complexité du tableau de Léonard de Vinci. 
Dans un cas on est au cœur d"un mystère , dans l'autre on est plutôt dans la virtuosité, le souci de la perspective et de la composition; le mystère n'est plus là. 

Il y aurait mille autres exemples à citer, mais je m'arrêterai uniquement sur l'une des œuvres ultimes de Matisse, la chapelle de Vence.


Voilà un artiste au faîte de sa gloire qui accepte de consacrer gratuitement trois ans de ses dernières années à la construction et à la décoration d'une chapelle. 
Et alors même que le graphisme devient parfois hésitant, surtout dans le chemin de croix.
Matisse s'est révélé à lui même sa propre vérité qui en quelque sorte dépasse ce qu'il avait imaginé au départ . Le tableau n'est plus que le fruit du vécu.


prochainement la suite de cette conférence sur: 
      De l'authenticité à la simplicité 

mercredi 2 octobre 2013

Art et spiritualité par Alain CHARLET



Maître de conférence Université d'Orléans 


Toute création est un témoignage d'humanité, mais parler de la spiritualité dans l'art c'est aller plus loin, c'est essayer de voir à partir de quelles exigences une oeuvre peut dépasser ce simple niveau d'humanité pour faire advenir ce qui dépasse l'homme, l'accès au mystère pourrait-on dire.

Cela exige des artistes une ascèse proche de celle de la prière car on leur demande d'aller au plus profond d'eux mêmes.à leur source.pour livrer une oeuvre authentique , vraie, simple. En contrepartie nous devons leur accorder une liberté totale dans leurs modes d'expression.
Ces œuvres là auxquelles je fais allusion dans mon article dépassent donc le cercle trop étroit de l'art sacré au sens où il serait limité aux créations inspirées par des thèmes religieux.
A titre d'exemple voici le dernier tableau de Nicolas de Staël   , "le Concert" peint juste avant son suicide .Il me semble que ces instruments sans musiciens sont comme un cri de détresse, le signe d'une grande tristesse malgré les couleurs flamboyantes.




"le Concert" de Nicolas de Staël 

"Tard je t'ai aimé,Beauté si ancienne et si nouvelle, tard je t'ai aimé! Mais quoi ! Tu étais au-dedans de moi et j'étais, moi en dehors de moi même. Et c'est au dehors que je te cherchais..."         Saint Augustin 

Ce très beau texte d'Augustin nous met d'emblée au cœur du mystère de l'art pour un chrétien. C'est  au -dedans de soi, dans le silence , qu'il faut chercher la beauté et l'inspiration: impossible de peindre, de composer de sculpter si l'environnement n'est pas favorable et si le cœur lui même n'est pas en paix.
Il y a au fond une grande analogie avec la prière: A quoi servait pour les bénédictins ou les cisterciens, la beauté de la pierre et de la lumière, le grand isolement du site, la pureté et la simplicité de l'architecture, sinon à trouver le silence, le chemin de la prière et de la contemplation
:"Nous vivons comme dans une ville, et cependant aucun tapage ne nous empêche d'entendre la voix de celui qui crie au désert, si du moins à ce silence extérieur, correspond notre silence intérieur..."    Guerric d'Igny  

et Bernard de Clairvaux ajoute:

"Tu désires voir, écoute d'abord. L'audition est degré vers la vision.aussi  écoute et incline ton oreille, afin que par obéissance de l’ouïe, tu parviennes à la gloire de la vision."

Le silence et la paix intérieure constituent l'espace dans lequel on peut accéder au mystère, par l'intermédiaire de la prière pour certains et de l'art pour d'autres.
L'art comme la prière touche donc à ce qu'il y a d'immatériel dans l'homme ce que les chrétiens appelle le "sacré" ou le "spirituel" .......

suite de l'article la semaine prochaine 
sur   "l'art  recherche d'authenticité"