mercredi 27 novembre 2013

L’art, substitut du sacré suite..


. ...de la rencontre avec le philosophe Marcel Gauchet autour de la place de l’art dans notre société moderne.

Comment le statut de l’artiste s’est-il modifié au cours de l’histoire ?
L’artiste n’est au départ qu’un artisan, mais un artisan que la reconnaissance de l’autonomie de ses produits, en fonction de la sortie de la religion, va élever au rang d’une sorte de prêtre, de médiateur, de prophète, de truchement. C’est par son intermédiaire que s’incarne une sorte de puissance formatrice, créatrice, d’objets différents des objets ordinaires. Cela définit l’âge classique de l’artiste.
L’artiste démiurge relève de l’idée même d’art. L’art est pensé comme une catégorie particulière, depuis son émergence en Italie à partir du XIIIsiècle et ce, jusqu’au romantisme.

 L’artiste est un créateur. Il a cette capacité d’amener, à l’image de Dieu, de nouveaux objets à la vie. En cela, l’art est pris dans une catégorie plus générale qui renvoie aux produits de l’artifice humain. 

L’art est d’une certaine manière le prototype de l’artifice humain qui justifie le parallèle de l’homme avec Dieu. Il fait surgir les choses du néant. La différence entre l’artiste et l’artisan, c’est que l’un crée authentiquement, alors que l’autre ne fait que transmettre ou transformer. 
L’artiste, lui, fait passer une conception intellectuelle dans un objet matériel.
L’histoire de l’art est commandée par une concurrence entre les différentes formes de l’artifice humain. Le monde de l’industrie, en démultipliant la présence d’artifices humains de plus en plus sophistiqués, relativise la portée de la création artistique. L’artiste était pour ainsi dire la figure de proue, d’avant-garde, il se réduit à n’être plus qu’un créateur parmi d’autres. La modernité qui, sur certains plans, valorise extraordinairement l’art, le dévalue sur le plan de sa signification anthropologique. Mais l’œuvre d’art demeure néanmoins quelque chose de très différent des autres formes de l’artifice humain, étant investie d’un pur contenu idéal, d’où cette connivence avec le sacré.

prochainement la suite de cet interview !  
La musique est-elle l’art du sacré ?

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