jeudi 14 novembre 2013

Marcel GAUCHET philosophe


L’art, substitut du sacré


Le sacré et le profane, tout au long de l’histoire, n’ont cessé de se contaminer, de composer l’un avec l’autre. 
Rencontre avec le philosophe Marcel Gauchet autour de la place de l’art dans notre société moderne 

Comment, aujourd’hui, appréhender le sacré ?


Marcel Gauchet : Cette notion de sacré est une notion à problème. Pour certains, il est la clé de tout, le sacré équivalant au religieux. Cela a des conséquences très importantes pour l’interprétation du monde contemporain puisque la religion au sens strict, avec son système de dogme, de culte, de rite, peut disparaître, et le sacré demeurer. Je fais partie d’une autre école qui tend à donner une définition très précise et très circonscrite du sacré.

Parler de sacré, à mes yeux, implique la présence de l’au-delà dans l’ici-bas. La présence, c’est la matérialisation, la concrétisation. Un lieu peut être sacré alors qu’il est habité par des puissances invisibles, peu importe la manière dont on conçoit ces puissances surnaturelles diverses. Un homme peut être sacré. De manière remarquable dans le monde moderne, l’incarnation du sacré a disparu.

 C’est très significatif : jusqu’à une date très récente, l’empereur du Japon était tenu pour sacré, au sens strict du terme. C’était un homme habité par la divinité, par le rattachement à l’au-delà.
Un objet peut être sacré, c’est le cas de l’eucharistie pour les catholiques puisqu’il y a objet physique parfaitement circonscrit qui est investi de la réincarnation du Christ. On est dans le sacré quand on a une attestation tangible de ce qui, normalement, relève d’un ordre indicible, extérieur à la sphère humaine et profane. 

Le sacré, c’est un lieu de rencontre entre le surnaturel et le naturel.Vous voyez, par rapport à cette définition stricte, comment le terme de « sacré » tend à être employé de manière métaphorique, dans notre monde désacralisé

Comment définissez-vous le spirituel par rapport au religieux ?

Le spirituel, c’est le religieux quand on n’a plus de nom pour le qualifier ! Une fois qu’on n’est plus capable de donner un contenu déterminé à l’au-delà, au surnaturel, à l’invisible, comment l’appeler ? Beaucoup fuient en entendant le mot « spirituel », mais cela ne veut pas dire que le souci du spirituel ne les habite pas. Le refus de lui donner un contenu explicite n’empêche pas la recherche de cette dimension qui, pour nous aujourd’hui, passe par l’imaginaire.


prochainement  suite de cet interview !!
"Où se situent l’artiste et l’œuvre d’art au sein de cette philosophie ?" 

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